MATURITE

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Aimer avec passion, aller au plus loin de la flamme du désir pour finir par se brûler. Baiser, souffrir, pardonner, s’exclamer, se mettre en colère, se venger, se réconcilier pour finalement se reposer exténué. Tomber puis se relever pour mieux retomber victime de notre propre vertige. Vivre, chatouillé par ses vieux démons et profiter de tous les moments de bonheur avant de subir les assauts du malheur. Et jouir par avance en pleine souffrance. Se croire l’indispensable de l’autre, celui sans qui votre vie ne signifie rien.

Et si finalement  le vrai bonheur, celui qui dure, n’était pas ce moment où le quotidien d’une vie bien rangée me permet de ressentir  sa tête contre ma poitrine pendant que je lui masse délicatement ses cheveux devant une bonne série à la TV ? Enfin pouvoir reposer nos deux corps fatigués par une journée de travail, d’emmerdes et d’images violentes après un bon repas préparé par des doigts de fée et agrémenté par un bon verre de vin rouge.  Puis s’endormir paisiblement dans la promesse d’un lendemain matin adouci par le son de sa mélodieuse voix demandant si la nuit a été bonne. Si je sais que les journées se répètent toujours un peu, seulement rythmées par les saisons, une chose dont je suis sûr maintenant : être bien avec quelqu’un c’est aussi cette harmonieuse routine faite de confiance, de tendresse et de respect afin de voir au loin le désir de construire sa vie à deux et de nous projeter dans un avenir structurant. Finalement, le rêve n’a jamais été aussi proche, il suffisait d’y croire…

LONGUE VIE

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Retenir par le poignet cette Femme qui fume dehors sur la terrasse d’un café

 La baiser ainsi que sa mère, ses sœurs, ses cousines, ses copines

Posséder pour une nuit toutes les femmes de la terre

 Rêver pourtant de n’en aimer qu’une

Elever nos enfants et fonder notre famille

Ecrire les plus beaux textes maudits  non publiés

Travailler dur pour vivre sa liberté

S’occuper de mes parents  comme ils se sont occupés de moi

Pardonner les trahisons, mensonges et félonies de mes amis et de mes ennemis

Aider et comprendre les gens qui souffrent et qui sont chers à mon cœur

Secourir cet homme perdu au milieu de ses cartons

Adopter cette petite fille qui meurt de faim

Finir de tuer et d’écraser tous ces piétons dans GTAV

Être bénévole aux restos du cœur, donner au Téléthon et à la recherche contre le cancer

Consoler cette jeune femme qui pleure en cachette en face de moi dans le métro

Dire à mes parents que je les aime avant qu’ils ne partent

Apprendre à ma fille l’histoire de cette princesse qui ne s’est jamais réveillée

Emmener mon fils sur les terrains de Rugby

Faire le Tour du Monde  à la découverte de cet inconnu

Effectuer le tour de mon âme afin de connaître cet étranger en moi

Afin d’avoir le temps de m’aimer un jour

Parce que l’on ne devient que ce que l’on est,

Et parce que je n’ai pas réussi à accomplir le dixième de la liste de mes envies

J’aimerais pouvoir vous dire que ce n’est pas ce texte qui est trop long

Mais que c’est la vie qui est trop courte…

SOCIETE DE CON SOMMATION

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Pantin, un lundi 12 H 30. Faim. Envie de Pizza.

–          « Bonjour Monsieur, je voudrais un pizza à emporter »

–          ‘jour, vlà le menu, choisissez

–          Merci. »

Rapide coup d’œil et rapide calcul du temps qu’il reste avant de bouffer. Dans ces cas-là, raccourcir le temps de réflexion pour manger plus vite et aller au plus simple.

–          « Je prendrai une Margarita.

–          Taille ?

–          Taille moyenne 16 cm

–          Ok taille moyenne ça marche »

Absorbé par l’écran de son smartphone et de sa TL, le type n’a même pas relevé la qualité exceptionnelle de ma blague.

–          « ça sera prêt dans 5 mn

–          Ok ça fait combien ?

–          11 € 90, vous la voulez à quel parfum l’autre ?

–          Chocolat Menthe….. Ben je viens de vous le dire une Margarita.

–          Oui mais la deuxième.

–          Quelle deuxième ?

–          A 11 € 90, tu as droit à une autre gratuite. Ce qui revient à 5 € 95 LA PIZZA » me lança t’il fièrement et sûr de son effet.

–          « Euh, je suis tout seul, je vais quand même pas bouffer deux pizzas tout seul ?

–          Ben si tu as très faim, ça peut le faire. Des clients ont déjà essayé et n’ont pas eu de problèmes. Sinon tu as 10 mn pour trouver quelqu’un à inviter pour manger avec toi. Une fille par exemple. »

En regardant ma tête, il s’est aperçu qu’il avait gaffé au sujet de la fille.

–          «  Vu les quantités, c’est un plan à Quatre qu’il me faudrait. Sinon, je pourrais la proposer à un pauvre ROM si je n’avais pas peur de Manuel Valls »

Et là, c’est moi qui compris que je venais de gaffer en voyant sa tête. Un partouze…

–          « J’ai une idée ! Vous me faites payer disons 6 ou 7 € et je repars avec une seule pizza.

–          Impossible, nous avons des règles très strictes à ce sujet : c’est deux pizzas à 11 € 90 ou bien une seule à 11 € 90

–          Mais vous travaillez pour les labos pharmaceutiques ou quoi ? Vous vendez des statines en promo ?

–          Nous avons des menus « Baby » effectivement, mais nous n’avons pas de tétines. (énervé) Vous les prenez ces pizzas oui ou merde ?

–          Ok, je crois qu’on va en rester là sinon je vais bouffer la table, préparez moi deux pizzas Margarita

J’ai donc fait un effort surhumain pour manger deux pizzas au risque d’être malade toute l’après-midi. Mais le pire reste la crainte de croiser un jour un twitto qui un lundi 07 octobre vers 12 H 45 a dû twitter qu’un mec super lourd lui a commandé deux pizzas super lourdes elles aussi.

Quant à moi, je ne mangerai pas de pizzas pendant au moins 3 mois.

DIVISION

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–          « Mademoiselle, l’addition s’il vous plaît ! »

Nous étions 3 convives autour d’une mini table dans un restaurant Italien.

–          « Oui tout de suite »

En général, l’addition vient beaucoup plus rapidement que certains plats.

–          « Ok on partage ? »

Cette  proposition intervient après un rapide coup d’œil sur le total de l’addition et nous oblige à effectuer simultanément une rapide soustraction de notre solde de compte bancaire.

–          «  Euh, non je suis pas d’accord, les 6 mojitos et les deux bouteilles de vin là et bien je ne bois pas d’alcool. 

–          Oh tu vas pas commencer à faire ton radin, on partage et puis c’est tout »

Les smartphones ont été inventés pour permettre aux gens bourrés de faire les additions lorsqu’ils ont trop bu.

–          « ça fait donc 57 € chacun plus 2 € pour la serveuse »

–          « Mademoiselle vous acceptez les tickets restau ? »

–          « ok toi tu as donc 3 tickets à 8 € et tu paies 35 € en cash, moi je mets 4 Tickets à 8,5 € et je paie 24 € en CB et toi mets 2 tickets à 7,62 € et tu paies 43,76 € en cash »

La jolie demoiselle au bel accent Italien recompte les tickets restau. On sent chez elle une grande fébrilité. Les smartphones auraient dû être inventés pour les serveuses fatiguées après une longue journée de servitude.

–          « Euh, je crois qu’il y a une erreur !

–           Comment cela une erreur ? Bon reprenons (appuyant frénétiquement sur son Iphone)  :  3 tickets x 8 € = 24 € + 4 X 8,5 = 34 € + 2 X 7,62 = 15,24 €  + 78,76 € de cash + 24 € en CB = oh et puis merde, tu sais quoi Vince ? Tu devrais payer le total et on te rembourse après parce là tu vois la jeune fille ne s’en sort pas. Et toi bien sûr, tu as deux jeunes filles à table et une autre en détresse arithmétique, tu ne penses même pas à la soulager en proposant de payer le tout. Bravo la galanterie !!!

–          Ah ouais ??? Et il faut pas que je débarrasse la table non plus pour ne pas trop la fatiguer ?

–          Ben voilà ; continue avec ton humour à deux balles, t’es vraiment un tocard. Mon père m’a toujours dit que tu n’aurais jamais une thune, je me demande ce que je fous avec toi.

–          Hum hum , fit benoîtement la serveuse, je crois que c’est arrangé votre amie vient de régler la note 

–          Quoi, tu as fait ça, Natacha ?, mais il ne fallait pas 

–          Ben si il le fallait, j’ai toujours préféré les additions aux divisions »

LEVYTATION

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Un samedi après- midi d’une petite ville de province. Je m’installe dans la librairie au milieu des centaines d’exemplaires de mon dernier livre. Déjà, une longue file béate d’admiration n’attend que moi. Ça sent la pervenche et l’Opium d’Yves Saint Laurent. Toutes ces Femmes sont à mes pieds et je me sens comme Mick Jagger ou Bruce Springsteen après un concert. Seul le cérémonial de l’endroit ne permet pas d’entendre les cris de vénération. Après quelques signatures automatiques accompagnées de sourires mécaniques, mon regard se fige vers une jeune Femme d’une beauté incendiaire tenant une rose à la main.

–          « Bonjour, c’est pour Emma » me dit-elle en me tendant un livre.

–          « Je pourrais écrire un roman entier sur vous Emma. Si vous le désirez, je vous invite à dîner une fois mes obligations éditoriales effectuées

–          A mais, moi c’est Juliette, Emma c’est ma grand-mère à qui je relis vos romans de nombreuses fois . Elle vous adore, surtout « les oiseaux se montrent pour vivre », elle ne se lasse pas du chapitre où Natacha embrasse Christopher pour la dernière fois avant de partir.

Elle m’a chargée de vous donner cette rose. N’oubliez pas de la mettre dans un petit vase rempli d’eau. »

–          « Bien sûr Juliette, je n’y manquerai pas » dis-je avec un sourire jaune vif.

–          « Ah, une dernière chose Monsieur le Romancier que je voulais vous dire bien en face : ça fait deux ans que je suis obligé de me taper tes textes à la con dans l’unique but de faire plaisir à ma Grand-mère et je voulais voir si le personnage correspondait à son talent littéraire. Et là, pour le coup, je ne suis pas déçue. »

Comme quoi, il n’y a pas que les cadavres qui se décomposent.

–          « Shame pas du tout ce que vous faites » me dit-elle dans une dernière pirouette »

CLAUSTROPHOBITE

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Arcueil, un mercredi matin pluvieux. J’ai une demi-heure à tuer avant un RDV important. Que faire ? Deux Solutions : Aller chez Zara dans une galerie commerciale ou bien prendre un café en lisant « Le Parisien » d’un bar PMU de banlieue. En ces temps de crise, je choisis la plus économique.

–          « Les toilettes s’il vous plaît ? 

–          Vous vouliez pas un café ? »

A peine perturbé par l’humour ravageur du serveur, j’ouvris la porte des toilettes en retenant ma respiration, anticipant en cela la douloureuse certitude olfactive. Je me mis à plaindre mon attaché case de l’abandonner lâchement au milieu des traces d’urine dont les analyses feraient pâlir une équipe cycliste professionnelle. Le bruit agaçant d’un minuteur retardait mon envie pourtant pressante. Dans ces cas-là, un moment de concentration est nécessaire. Un peu comme quand on fait l’amour à une fille et que l’on sent poindre une éjaculation déplacée.  En général, la simple vision des murs et du plafond avec les quelques bites dessinées maladroitement au stylo bille par des lycéens boutonneux suffit à provoquer le jet.

Puis ce fut le noir. Le minuteur venait de s’arrêter. Impossible de trouver l’interrupteur avec ma main droite (oui je suis gaucher). Par une torsion du bassin j’essayais de trouver le bouton tout en maintenant la cascade de mon urine dans la position initiale d’avant l’éclipse totale.

Je basculai même de la main gauche à la main droite afin d’élargir mon champ d’action pour trouver la lumière.  L’angoisse commençait à m’étreindre.

–          «  Putain, j’ai peur dans le noir, c’est quoi ce bordel ? »

Mon sexe n’en menait pas large. Il faut dire qu’il n’était pas très stimulé.

–          « Ecoute, finis ce que tu sais si bien faire, puis je te range dans l’étui, j’ouvre la porte et le cauchemar sera fini 

–          Oui, ben je commence à en avoir marre de ne servir qu’à pisser moi, enfin je dis ça je dis rien.

–          Ta gueule »

La cascade n’était plus qu’un petit ruissellement. Je me dépêchai de tirer la braguette et de récupérer ma mallette à tâtons avant de retrouver le jour libérateur. Puis de filer en courant à mon RDV.

En revanche, j’ai eu beaucoup de mal à expliquer à mon boss que j’avais perdu une belle affaire pour m’être aperçu trop tard que je m’étais présenté face à mon ex cliente avec un pantalon tâché d’urine…

In Real Life

images(8) IN REAL LIFE (IRL)

Au départ, il y avait un jour de mai où le soleil avait enfin décidé d’offrir ses rayons entre deux nuages lointains.

(Vous remarquerez que je commence toujours mes récits par des considérations météorologiques. C’est comme dans la vraie vie, une manière comme une autre de briser la glace et d’atténuer l’émotion de s’adresser à des inconnus. Estimez-vous heureux que je ne vous demande pas de vos nouvelles. Ça ne sert à rien, je sais que vous allez mal) …

Enfin !!! il faisait un temps pourri depuis quelque temps.  La terrasse était pleine. Elle attendait. Elle m’attendait, nuance… Elle aurait pu attendre n’importe qui, un homme, une femme, un ami, ses parents, ses enfants, le bus, le RER,  un chien ou même peut être son ex mari.

Non, elle m’attendait à moi  et j’en étais déjà très fier. Je ne lui ai jamais dit mais, avant d’aller à sa rencontre, je me suis arrêté pour l’observer alors qu’elle me tournait le dos. C’était la première fois que je la voyais. Ok, je triche un peu : j’ai pu voir deux photos d’elle sur le site qui nous avait mis en contact. Juste deux photos, deux belles photos : la première en couleur avec le regard  espiègle donnant l’impression d’une invitation à la farce, à la malice ou même à la pitrerie. La deuxième photo est plus troublante : prise en plongée de trois quart face en Noir & Blanc.  Le sourire discret et les yeux d’une tristesse infinie de sorte que l’on a envie de la consoler, son regard ressemblant étrangement à celui de Gena Rowlands dans « Opening night » de J Cassavettes.

Cela suffisait. Attention, je ne vais pas vous mentir. En général, dans ce genre de rencontres virtuelles je m’arrête toujours plus facilement devant des poses lascives suggérant une paire de seins par ici ou bien un string mal ficelé par là. Je ne suis pas un PD non plus MERDE !!! Il ne faut pas oublier que j’ai été élevé au biberon sexuel de Hot Video et le nombre de tonnes que ma bite aurait pu soulever grâce à ce magazine suffirait à faire pâlir n’importe quel  haltérophile bodybuildé de la côte Californienne.

Seulement voilà, une fois mon éducation sexuelle effectuée, je suis devenu un vrai Gentleman. Un mec élégant et plutôt raffiné. J’aime la douceur et je préfère la finesse d’une rencontre dont la promesse d’une union dépassera l’horizon bleue de l’Océan à la furtive apparition du coït matinal de l’aube embrumé et sans lendemain.

Je me suis approché d’elle, je l’ai salué et embrassé. Elle ne le savait pas, mais à ce moment précis où mes lèvres se sont posés sur sa joue, j’avais du mal à cacher les battements de mon cœur. Ma respiration devenait plus rapide et j’avais l’impression qu’elle était incontrôlable. Mais pourquoi donc est-il si difficile d’aborder une inconnue ? On a tous les souvenirs de la peur panique qui nous envahissait lorsque, enfant, on changeait d’établissement scolaire perdu au milieu de tout et de rien.

Mais bon, l’un des avantages de la maturité réside dans la faculté que nous avons à cacher nos émotions.  J’étais même très étonné de la facilité à laquelle nous abordâmes notre premier échange In Real Life (Irl).

Sa main gauche posée sur la table du bar de « l’Affiche » bien calée en plein milieu. Il ne me restait que très peu de place pour poser la mienne sur ces petites tables rondes de bistrot. Comment faire ? Voir cette belle main était un appel irrésistible. Je me risquais donc. Ce fut ma première érection.

J’ai toujours été sensible à la douceur de la peau des Femmes. A son contact, j’ai eu l’impression de plonger dans un Yaourt géant velouté au goût Bulgare. La dureté du sexe masculin est inversement proportionnelle à la douceur extrême de la peau féminine.

En général, faire un tel effet aussi rapidement est un très bon signe. Nous parlions comme nous avions parlé depuis le début au téléphone : naturellement. Nos échanges étaient fluides et chacune de nos paroles s’entrecroisait sans jamais s’entrechoquer.

Les deux bêtes avaient faim. Il était tard et quoi de plus normal d’avoir faim à presque 19 heures en cette fin d’après midi.

Je lui avais dit que j’avais vécu à Paris pendant 17 ans. Méfiante de nature, elle me demanda de l’emmener quelque part, où je voulais. Bien entendu, elle voulait vraiment savoir si je connaissais Paris. Je me souviens avoir eu à ce moment, la désagréable impression de passer un test. Cette fille a dû être menée en bateau un paquet de fois par des mecs peu scrupuleux pour en arriver à un tel niveau de défiance. Déjà au téléphone, je la sentais pressée de me rencontrer non pour me voir mais surtout pour bien être sûre que je n’étais pas avec quelqu’un avec 17 enfants. Sur le fond je lui donne raison. La toute première fois que je l’ai vu, j’ai été très agréablement surpris par sa beauté. Le poids des ans semble très léger sur elle. Forcément injuste : la nature l’a préservée. Elle est tellement belle qu’elle a dû être inscrite sur la liste du Patrimoine mondial à préserver par l’UNESCO. Mais c’est pas les gros barbus et vilains de cette vénérable institution qui ont choisi de la préserver des aléas de la vie. Non, c’est une instance mystique et supérieure que l’on pourrait attribuer à Dieu pour ceux que cela intéresse.  Elle picole, elle fume, elle ne fait pas de sport : pas de rides, pas de cernes, pas de culottes de cheval, pas de pelures d’orange, une peau de bébé, un cul slim à faire pâlir de jalousie Kate Moss. Attention son cul mérite de s’y arrêter quelques instants : par cul slim je veux parler de la taille du pantalon qui enveloppe son cul. MAIS et j’insiste bien la dessus car s’il y a une chose que je déteste dans les culs de Femmes : ce sont les culs plats. C’est rédhibitoire, je ne peux pas, je fuis, je pars, je vole, je mens, je m’échappe, je cherche une excuse : mais je ne baise jamais un cul plat.

-« ok poupée, tu veux jouer à ça, alors jouons ». Je décidai donc de l’emmener au « Nemours » place Colette un bar sous les arcades du Ministère de la Culture où je m’arrêtais très souvent après une dure journée de boulot pour profiter du cadre exceptionnel de la Comédie Française et des quelques magnifiques culs brassés par l’ouverture de la bouche de métro du Palais Royal.

Le métro. En été c’est un sauna ambulant offrant la désagréable impression de faire de la spéléologie à grande vitesse sans les stalagmites mais avec les miteux croyant dur comme fer la pub sur les déodorants « efficacité 72 heures ». Je recherche activement le type qui a décrété qu’un déodorant est efficace 72 heures. Dans le meilleur des cas, un déodorant tient aussi longtemps qu’une batterie d’Iphone utilisant simultanément les SMS, Facebook, Twitter et Youtube réunis. Et la vision du témoin lumineux passant du vert au rouge accentue un peu plus la sécrétion d’odeurs corporelles… C’est ce que l’on appelle un cercle vicieux…

Même une panne de métro pourtant réellement flippante n’arrivait pas à entamer ma bonne humeur. Moi qui suis plutôt angoissé et claustrophobe je me contentais de paraître cool et de maîtriser la situation. Les gens autour de moi essayaient de plaisanter et de sourire pour éloigner cette crainte de l’enfermement. Certains commençaient à paniquer en essayant de tenter de sortir de la rame.

Le destin voulût donc qu’un désespéré essaya de faire la course avec le métro pour savoir qui des deux arrivera la premier à la prochaine station. Effectivement, il arriva le premier… au paradis. Et nous, pendant ce temps, nous étions dans ce qui pourrait ressembler à l’enfer. Même pas mal, alors que je lui faisais un peu d’air avec un journal pour atténuer la chaleur suffocante, j’étais au Paradis moi aussi à côté d’elle, joyeuse, gaie, belle, charmante. Finalement, peut être que c’était moi qui avais péri sous ce métro ?

Cet incident révéla outre mes nerfs d’acier et mon calme légendaire, la verve, l’humour et la répartie de ma partenaire. L’Humour est certainement le critère le plus important dans la séduction d’une Femme. J’aime ses éclats de rire et cette capacité à rire de tout, tout le temps. Elle me faisait rire. La réciproque était également vraie. Elle était même troublante. Je m’explique : il me suffisait de lui parler naturellement pour qu’elle ponctue chacune de mes phrases par des fous rires. Deux solutions : soit j’avais vraiment de l’humour, ou bien elle se foutait de ma gueule. Je n’ai toujours pas la réponse à cette question.

Nous marchions dans les rues de Paris en direction de l’endroit où le métro aurait dû nous emmener. L’avantage de cet incident, et le paradoxe aussi, est qu’elle faisait semblant d’être vraiment perdue tandis que je reconnaissais rapidement le quartier des grands magasins et la rue Lafayette au loin (l’horrible rue Lafayette). Il suffisait donc de marcher par les rues de traverses pour rejoindre l’avenue de l’Opéra.

Nous avons pas mal marché car je voulais aller place Colette pour boire un verre au Nemours. Je la sentais fatiguée et énervée par la distance. Je décidai donc de changer mes plans et de nous rendre place du Marché St Honoré où nous nous installâmes à « cuisines et dépendances ». Pendant que je me posais la question de savoir pourquoi un restau où les serveuses faisaient la gueule pouvait avoir autant de succès. Cela faisait environ 10 ans que je m’y rendais et je n’ai pas vu un seul sourire. Ah si pardon, les clients ont droit à un sourire lorsque tu vas payer au comptoir. Sourire proportionnel au montant de la note bien sûr. Le mien fût donc timide : deux carafes de Bordeaux rouge servi après avoir passé l’après midi dans un micro onde et un plat de Carpaccio au bœuf gonflé à la salade et au parmesan. Nous avons donc surtout mangé de la salade. Il a fallu que je commande un plat pour de ne pas avoir à la porter après tout ce que l’on a bu.

Toujours en terrasse, nous mangions un peu en veillant à bien rester attentif à l’Autre. Je crois que ni l’un ni l’autre n’avaient faim. Si je mangeais, c’était par raison, pour éviter le malaise, mais je n’avais pas faim. D’ailleurs cela me rappelait le chef d’œuvre de Ernst Lubitch « Ange » avec la grande Marlène et dans lequel une scène magnifique décrit un repas à trois entre le mari, la Femme et l’Amant. A la fin du repas, un plan fixe montre les trois assiettes : la seule assiette vide était celle du mari, tandis que les deux amants n’avaient rien mangé. Ou comment le génie de E Lubitch arrive à faire passer autant d’informations dans la narration.  En même temps, peu importe le contenu de notre assiette, puisque l’unique objet de mes convoitises n’était pas mon plat mais la Femme qui me parlait. Dieu que l’enveloppe charnelle de cette Femme était magnifique. Je me souviens que, bizarrement, un épisode inattendu me permettait de découvrir son soigneux décolleté : elle se leva de table et offrit ses lèvres. Un dilemme se posait à moi. Comment me lever moi aussi afin de poser mes lèvres sur les siennes en évitant  d’exposer la proéminence de mon sexe dur,  que ma veste trop courte ne parvenait pas à camoufler, aux clients accoudés juste à côté ? Ben oui cela devait faire maintenant plus deux heures que j’étais en érection et ce n’était pas fini, pensai-je alors que je me rasseyais après ce baiser acrobatique mais ô combien acharné.

Nous ne nous sommes jamais levés pour nous embrasser à ce moment là. Je l’ai rêvé. Mais j’aurais tant aimé le faire. Je n’ai pas osé. Trop timide.

Je la regardais marcher vers Opéra. Avec ses talons hauts et ses jambes fluettes je pensais à Charles Denner inoubliable Bertrand Morane dans l’homme qui aimait les Femmes. « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie. ». Sa silhouette si frêle me faisait même redouter qu’elle s’envole sur un coup de vent. Elle faisait partie de ces « Femmes dont on peut dire qu’elle participe activement au réchauffement climatique de la planète ». Alors que j’essayais de faire le rapprochement entre elle et la dislocation des icebergs dans les deux pôles, nous arrivions à Opéra métro.

Direction chez elle en métro.  Le voyage fut le parfait opposé du précédent. Nous étions debout, elle se tenait contre le poteau et je la tenais par les épaules en approchant mon visage contre le sien. Elle portait mon blouson turquoise de chez GAP. J’adore quand la Femme que j’aime porte mes vêtements. C’est comme si elle s’appropriait mon odeur. Je ne me souviens plus si j’ai touché ses lèvres avec les miennes, mais je crois que oui. Je pris conscience pour la première fois de la plastique de son petit corps. Mon plus beau voyage de métro. La promesse du crépuscule s’annonçait merveilleux et féérique.

Les gens semblaient légers et insouciants, prenant leur temps de sorte que je trouvais que le décor dévoilait une douceur de vivre qui aurait plu au « Maestro Fellini » en personne. Peut être même que j’aurais pu apercevoir  Giulietta Masina en clown triste de la Strada ou la sculpturale Anita Edberg. Nous marchions enlacés, cette délicate flânerie digestive me fit venir à l’esprit cette citation tellement vraie de F. P. Jones : « l’Amour ne fait pas tourner le monde. L’Amour est ce qui fait le trajet intéressant ».

Attention, nous arrivions dans son quartier, chez elle depuis toujours. Je connaissais très mal ce quartier.  En revanche, c’était chez elle depuis toujours. Cela lui donna un regain de confiance en elle, je la sentais plus sûre d’elle. Toute à l’heure, dans mon quartier, je discernais une certaine vulnérabilité. Peut être est-ce la raison pour laquelle elle décidait un peu brusquement de rentrer chez elle.

Appartement bourgeois typique de la ville. Belle hauteur sous plafond. Type d’appartement qui part à la vente en 15 jours. Mais la qualité de cette demeure ne serait rien sans la simplicité de bon goût que les personnes de qualité arrivent à insuffler à leur havre de paix. Murs blancs, parquet et décoration appropriés : aucune faute de saveur…

Il faisait très chaud malgré un temps loin d’être caniculaire. Elle n’aimait pas les bêtes, donc toutes les fenêtres devaient rester fermer pour éviter une invasion barbare de cloportes et autres cafards. Nous passâmes la soirée l’un contre l’autre, ou plutôt elle sur moi. Son corps me paraissant aussi léger qu’un édredon. Musique : Adèle, je ne connaissais pas. Belle voix, émouvante de la part d’une fille aussi jeune qui respirait la maturité. Je me demande si inconsciemment elle n’admirait justement pas ce son si puissant, rassurant et mur venant d’une jeune fille par contraste à son propre comportement infantile et sa fragilité impubère apparente.

Nous parlions et je sentais chez ma partenaire une gêne certaine. Une manière de parler de choses futiles de façon très légère de peur d’aborder des sujets plus profonds, plus complexes. Je ne la connaissais pas encore. J’ai réussi à décaler une vingtaine de RDV pour anticiper la rencontre. Il fallait que je sache si mon intuition était la bonne. Pour cela je devais la voir le plus vite possible. La réponse que j’attendais ne pouvait venir que de son regard si envoutant, si pénétrant. Je devais savoir si « ma déclaration » allait être ressentie comme je l’espérais ou bien si elle resterait lettre morte comme celle des impôts.

Je lui parlais en pleurant comme une gonzesse tellement ce que j’avais à lui dire venait des tréfonds de mon âme, du milieu de mon estomac qui me faisait tellement mal que j’avais l’impression d’être dans la peau du Lt Ripley lorsque l’alien lui déchira l’estomac pour sortir son horrible tête bicéphale.

Je m’assurais bien qu’elle comprenait bien le sens de mon discours enflammé mais néanmoins improvisé. Et là, j’ai vu exactement ce que je voulais voir. Ses yeux embués de larmes. Le regard de Gena Rowlands dans « Opening night ». Ce regard tellement beau, tellement émouvant. A cet instant, plus rien n’avait aucune importance pour moi. Je savais. Aucun mot, aucun geste, aucune colère, aucun comportement n’avait de sens pour moi autre que ce regard que j’ai photographié dans un coin de mon cerveau et qui ne me quittera jamais.

On a couché ensemble, elle s’est demandé à quel moment j’allais l’embrasser. Ce fut un désastre. J’ai pris du plaisir, elle aussi mais tellement loin de ce que nous devons être capable d’atteindre tous les deux sexuellement. De mon côté j’avais peur de la casser, de lui faire mal devant un corps aussi enfantin. Finalement, l’acte sexuel n’était pas important. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je la caressais des yeux où je devinais les courbes de son anatomie. Elle n’a pas dû dormir beaucoup elle non plus. Elle a dormi tout contre moi et je sentais sa respiration se caler contre la mienne. J’imaginais, et peut-être elle aussi, que nous vivions cette nuit après 15 ans de mariage dans un Amour parfait. Alors que le jour commençait à percer les rideaux de la chambre, je fermais enfin les yeux…

Le réveil. Le dur réveil. J’étais seul dans ce grand lit. J’entendais la douche, chaude pour elle et froide pour moi. Je consultais mes messages et il était déjà tard : 10 H 39 précisément.

10 H 45 : la douche s’arrête. Je me demandai comment j’allais aborder le moment où il fallait dire quelque chose pour briser le silence. Je me risquai :

–       « Bien dormi ? »

Parfois il ne sert à rien de chercher à écrire un dialogue quand le silence est à ce point lourd de sens.

Elle grommela un son incompréhensible et son regard, hier si doux, était devenu tellement sévère qu’elle me faisait pensait à Mme Pêcheberty mon institutrice de CE2 qui m’a appris à si bien jouer la comédie à mes parents pour gagner ne serait-ce qu’une demie journée de réconfort dans les bras de ma Grand-mère plutôt que de réciter les tables de multiplication.

De l’Amour nous sommes passés au mieux à l’indifférence et au pire à la haine. Ce sentiment qu’après avoir été fusionnel nous étions devenus étrangers.

–       « Pardonnez-moi Madame, mais qui êtes-vous ? On se connaît ?

–       Vaguement, on a bu quelques verres ensemble hier soir et nous avons parlé de choses et d’autres. De banalités. Enfin surtout vous. C’est vous qui avez beaucoup parlé. Et vous avez dit énormément de conneries si je peux me permettre. Mais bon, il faut faire passer le temps comme l’on dit dans ces cas-las »

Je suis parti et je ne l’ai jamais revu.  J’étais pourtant prêt à comprendre ses craintes, ses peurs, ses angoisses, ses chagrins, ses manques affectifs, son père, sa mère et son frère.  Elle était simplement une jeune fille mariée trop vite pour faire des enfants et fonder une belle famille dont elle peut être fière, très fière même.

La mère de famille parfaite élevant avec Amour ses deux filles et s’occupant de son mari très occupé. Préparer les petits déjeuners, les déjeuners, les dîners, faire la lessive, le repassage, le ménage, la cuisine, être toujours là où on l’attend : dévouée, un modèle pour toute les mères. Se jeter dans le cadre rassurant d’une belle famille l’aidant à oublier, oublier le manque existentiel de sa propre famille. Faire n’importe quoi pourvu que son cerveau soit occupé à faire autre chose que de penser aux idées noires. Si seulement ses filles et surtout son mari pouvait se douter une seule seconde que la Femme parfaite, la Femme d’intérieur avait un tel besoin de soutien, d’attention. Comment imaginer que dans la tête de cette jeune fille mère de famille pouvait être le théâtre de mille tourments ?

Quant à moi, au lieu de lui chercher des excuses et d’essayer de la comprendre, je devrais plutôt tenter de me comprendre d’abord.

Aujourd’hui je saisis mieux l’importance des sites de rencontre virtuelle où l’intérêt principal est de parler de soi et de s’entendre parler de soi à travers les paroles de l’autre. Et même si cela débouche sur une heure ou mieux une nuit, cette histoire a quand même eu le mérite d’exister, nous permettant de rêver et de venir chercher ce petit bout d’Amour que nous attendons tous pour toujours……ou bien pour un jour.

PLEINE LUNE

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Parfois, alors que je pense que le sommeil va me cueillir comme une pâquerette dans le gazon du printemps naissant, mon esprit divague brusquement vers un tourment soudain.

Mes yeux se rouvrent. Mon regard balaie la chambre du plafond aux murs, et des murs au plafond. Au loin, les bruits de la ville me paraissent à la fois mystérieux et inquiétants. Seul un faisceau de lumière s’engouffre par la fenêtre s’invitant dans le lit conjugal tel un intrus. Cet effronté me nargue et se projette sur les courbes de la Femme que j’aime.

Je n’aime pas le noir. La lumière de la lune m’accompagne les nuits d’insomnie offrant le spectacle du galbe de l’anatomie de ma chérie. Ses cheveux d’un blond éclatant du soleil salé des vacances défient la lumière de la lune pourtant pleine. Mais alors que la lune partira sur la pointe des pieds au petit matin, ma chère et tendre sera toujours indubitablement lumineuse.

C’est alors que je m’amuse à suivre des yeux, sans jamais la toucher pour ne pas la réveiller, le circuit de cette peau habillée d’un simple haut à bretelle. Mes yeux se délectent en explorant délicatement et alternativement le haut de son crane vers le bout de ses pieds. En chemin, l’œil s’arrête sur ses hanches laissant deviner la descente de son cul justement éclairé par le halo de l’éclat de lune.

Sa profonde respiration rythme parfaitement le bercement de son corps, tel le frêle esquif ballottant en cadence avec les vaguelettes d’un petit port d’une île des Cyclades une nuit d’été.

Ma tête se relâche doucement en écoutant le clapotis de son halètement. Mes yeux se referment apaisées par le spectacle. Mon esprit consolé se remet à divaguer vers de doux rêves devenus certains. Mes dernières pensées vont à la lune que je glorifie pour mettre si bien en valeur le soleil qui dort lui aussi juste à côté de moi…

DESORDRE

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DESORDRE

Mes gestes étaient désordonnés et imprécis. Ma maladresse se faisant pressante. Mon front perlait de sueur. Mon sang coulait à flot. Combien de temps pourrais-je tenir comme cela ? Que faire ? Appeler une ambulance ou bien les premiers secours ? La tâche de sang se propage inexorablement sur mon pantalon blanc et ma chemise en lin. L’hémorragie semblait intarissable.  Le souffle court, pressé par la douleur et la peur, je me dirigeai vers la sortie. La salle était pleine. Une femme me regarda et ne pût s’empêcher un cri d’effroi. Puis toute la pièce se mit à partager la même terreur à la vue d’un homme ensanglanté. Que s’est-il passé ? Tentative de meurtre à l’arme blanche ? Par où est sorti le meurtrier ? Quelle est le mobile du meurtre ?

Mes amis qui m’attendaient et me demandaient les premières impressions sur ce qui venait de se produire. J’essayai de prononcer quelques mots puis ce fut le grand trou noir. Je m’étais évanoui.

Je me souviens d’avoir fait le rêve de ma mère me grondant parce que je n’avais pas rangé ma chambre et que ce désordre récurrent me portera tort lorsque je serai plus grand. A l’époque, je n’écoutais pas mes parents. On n’écoute pas sa mère lorsque l’on a 8 ans. On a tant de choses à faire. Et surtout, on a toute la vie devant soi.

Lorsque j’ouvris les yeux, deux infirmières discutaient vivement en plaisantant et se tordant de rire. La salle était blanche et la TV diffusait le JT de 20 Heures. Peut-être ferai-je la Une du JT ?

Bizarre que mes parents ne soient pas à mon chevet. Personne. Je suis seul. Peut-être suis-je déjà mort ? Je me touchais les mains comme pour me rassurer de la réalité de ce corps si malmené.

L a porte s’ouvrit brusquement et le médecin entra en me regardant d’un air compatissant. Les deux infirmières n’arrêtaient pas de se marrer.

–          « Bon, je vous rassure tout de suite, rien de grave. Mais vous l’avez échappé belle. »

Les deux infirmières gloussaient de plus belle. Ça commençait à m’énerver. Il n’y avait plus aucun doute, c’est moi qui les faisais rire.

Le Docteur reprit

–          « Bien entendu,  ça risque d’être douloureux pendant une semaine. Je vous prescris des anti -douleurs, mais tout devrait rentrer dans l’ordre normalement. Vous sortirez demain matin

–          Merci docteur » balbutiai-je maladroitement.

Le lendemain matin, un de mes potes vint me chercher afin de continuer des vacances bien méritées.

–          « ça va mieux ? Pas trop mal ?  me demanda t-il

–          Ramène moi à la maison et surtout ferme bien ta gueule »

Il paraît que la sagesse est « l’art de l’expérience » : je peux donc dire qu’après cette épisode malheureux je me promis de ne plus jamais fermer ma braguette précipitamment sans  bien vérifier que mon pénis soit bien rangé à sa place au fond de mon caleçon.

Et surtout, je compris enfin pourquoi ma mère tenait tant à ce que je range ma chambre.

LUMIERES

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Il faisait chaud en cette nuit étoilée du mois de juillet. Nous étions en 98 en plein orgasme footballistique en cette France unie dans un même élan. Je circulais sur l’autoroute A6 depuis Montpellier en remontant vers Paris. Les kilomètres défilaient en ligne droite sur le goudron dont les bandes blanches, sur le côté, dansaient  telles des étoiles filantes se confondant avec le ciel constellé d’astres lumineux. Cela était ma seule compagnie dans ce désert. Il était environ deux heures du matin et la radio demandait en larmes, dans la pénombre de ma voiture, comment cette Femme pouvait faire revenir son mari parti avec sa meilleure amie. L’animatrice prenait alors sa meilleure voix pour lui expliquer qu’il fallait qu’elle tourne la page et que le meilleur était à vivre pour elle. A entendre les sanglots dégoulinant, le but était loin d’être atteint.

N’écoutant alors plus que ma conscience, elle (ma conscience, pas la radio) me souffla délicatement à l’oreille qu’il fallait que j’allume une cigarette pour éviter l’état de somnolence accentué par la teneur soporifique radiodiffusée. A cette époque je devais fumer un paquet par jour de blondes de préférence, même si parfois il m’arrivait de faire des infidélités en prenant une brune de temps en temps. Les blondes ne m’en ont jamais voulues. Et les brunes non plus d’ailleurs. Depuis j’ai arrêté de fumer et je suis avec une blonde qui n’accepte aucune infidélité au risque de me griller.

Malgré l’enfumage le sommeil gagnait du terrain et commençait à guider mes pensées dans les rêves les plus obscurs. Je sentais mes paupières de plus en plus lourdes et mes yeux se fermaient seulement animés par les lumières des véhicules d’en face. Le plus inquiétant était que lorsque mes yeux se fermaient je voyais une lumière différente. Une lumière douce et accueillante m’invitant au bien-être. Heureusement, notre conscience, devant le danger imminent, nous permet de sursauter dans un dernier élan de lucidité. Mais mon Dieu que cette lumière était belle.

Il ne me restait plus qu’une seule solution : compter à rebours les 20 kilomètres qui me restaient à parcourir avant de pouvoir prendre un café libérateur de la somnolence afin de trouver l’éveil. Non pas l’éveil au sens Bouddhiste et Tibétain du terme, mais l’éveil tout court en tant que survivance.

Mon Dieu que le moindre putain de kilomètre peut apparaître interminable quand l’on ne songe qu’aux songes.

Ça y est le panneau indiquant la station Total à 10 KM vient d’être dépassé.

« -J’arrive Total » : jamais une putain de station-service ne m’avait autant manqué. Hormis, sans aucun doute, le jour où j’avais attrapé une gastro suite à l’ingestion de melons réchauffés  lors d’un voyage avec mes parents lorsque j’avais 8 ans. Mon père, sentant l’urgence de la situation, avait appuyé sur le champignon pour arriver à temps aux chiottes improbables de l’aire d’autoroute.

Malheureusement, mon père n’avait pas de voiture assez puissante et les premières effluves envahirent la voiture à 2 KM seulement du but. A cette époque, les sièges étaient une espèce de tissus en velours très absorbants. Devant un tel désastre, mes parents durent par la suite changer de voiture.

Enfin, le panneau libérateur « station-service 2000 mètres ». C’est fou ce que les KM qui, auparavant paraissaient interminables deviennent tout de suite beaucoup plus courts après ce panneau.

Inutile de vous dire qu’à cette heure- ci il n’y avait pas foule. J’ai même eu peur qu’elle soit fermée. Seule une voiture était garée. Elle était remarquable non seulement parce qu’elle était la seule dans ce parking désert, mais surtout parce que c’était une Aston Martin. A moins qu’elle appartienne au vendeur de la boutique, je préjugeais donc qu’il y avait un autre client. Je me disais que vu la rémunération moyenne des cadres de chez Total, il pouvait être tout à fait plausible que les employés de leur station-service aient des Aston Martin comme voiture de fonction. Question d’image de marque et histoire de conforter le slogan « vous ne viendrez plus chez nous par hasard ».

Je pénétrais dans la boutique, à la recherche du distributeur à café. Les néons devraient être condamnés pour agression oculaire répété et intensif. De plus, l’éclairage associé à la fatigue nous donnent tous un air d’outre-tombe. Je suis sûr que Georges Andrew Romero a eu son idée de pitch de la « nuit des morts vivants » dans une boutique au bord d’une autoroute en plein milieu de la nuit.

Bien entendu, il ne me restait que très peu de monnaie (quelques pièces jaunes) dans mon porte-monnaie et seul un gros billet de 500 Francs me narguait comme un con style « – essaie de te payer un café avec moi, krkrkrkr »

«  – Tu crois que je vais me laisser impressionner par un bout de papier ? Tu sais ce qu’il en faisait Gainsbourg des billets comme toi ? Alors détends toi s’il te plaît, parce que tu sais ce que je vais faire ?

– Non, qu’est-ce que tu vas faire, me brûler pour faire style j’ai plein de thunes ?

– Tu vois le mort vivant là à la caisse ? Et bien je vais t’échanger contre d’autres billets plus sympathiques que toi  et surtout des putains de pièces que je pourrais introduire dans ce putain de distributeur pour avoir un putain de café ou même deux, trois. Et même, si je voulais, je pourrais me payer une soupe aux tomates bien dégueulasse pour me donner bonne conscience en ayant mon quota de légumes après avoir fumé trois paquets de clopes, bu 15 cafés, m’être branlé sauvagement toute à l’heure dans les toilettes de ce bar de Montpellier remplie d’étudiantes affriolantes. Et crois- moi que tu vas vite me regretter car tu seras en transit dans son tiroir-caisse pourri en compagnie d’un mort vivant et tu finiras dans les poches d’un pantalon d’un gros lard routier Portugais qui finira par t’échanger lamentablement contre une pipe et une sodomie auprès d’une vieille pute délabrée, et tu finiras accroché entre sa culotte et sa chatte dégoulinante du sperme encore chaud du routier Portugais. Voilà ce qui t’attend trou du cul de mes deux !!! »

Inutile de vous dire que le billet se faisait tout petit du coup. J’ai même eu peur qu’il se fasse tellement petit qu’il en devienne un billet de 10 Francs. Alors, que je me dirigeai aussi fier qu’un Français après le but de S Wiltord à la dernière minute d’un match de finale de championnat d’Europe face à des Italiens, vers la caisse,  il ne s’était pas dégonflé, et après quelques secondes de réflexion, il osa :

«  – Premièrement, tu as vu comment il a fini S Gainsbourg ? Deuxièmement, je préfère finir dans la culotte d’une pute nauséabonde que dans la poche de jean troué au contact d’une couille transpirante et puant encore le sperme de ta branlette de toute à l’heure au bar de Montpellier

– ok, tu l’auras voulu »

Je me dirigeai vers l’employé Total :

«  – Bonsoir Monsieur je…

– on ne dit plus bonsoir Monsieur, il est 3 heures du matin et le soir est derrière nous, on doit dire bonjour. Il faut être précis dans la vie Monsieur. Dire Bonsoir au lieu de bonjour, c’est comme si vous écriviez « je sous-entends » sans trait d’union. »

Le billet « -CLAP CLAP CLAP »

Je le regardai intensément en scrutant bien son visage pour y déceler une once de sourire ou d’ironie. Puis, je regardai autour de lui les caméras de surveillance à la recherche d’un indice au sujet d’une émission type « surprise surprise » très en vogue à l’époque pour animer les samedi soir des gens malheureux. Que voulez-vous, il fallait bien se divertir avant l’arrivée de Twitter et de « l’amour est dans le pré ». Mais en y réfléchissant deux secondes, ce ne pouvait pas être une caméra cachée puisque elle n’était pas cachée justement.

Soulagé par ce constat, je me repris en montrant mon plus beau sourire forcé et lui lâcha :

« – ok, je recommence : Bonjour Monsieur. Jusque- là j’ai bon ?

– oui Monsieur jusque- là c’est très bien, je vous écoute, que puis -je faire pour vous ?

– voilà, je viens de faire 400 KM en venant de Montpellier et je dois me rendre sur Paris avant 8 heures ce matin. Je n’ai pas beaucoup dormi et je somnolai toute à l’heure en conduisant. Je me suis donc arrêté dans votre aire pour me reposer et prendre un café histoire de me réveiller.

–  vous avez des distributeurs automatiques de café à votre disposition et …

– je sais, le problème est que je n’ai pas de monnaie pour faire fonctionner correctement le distributeur. Je n’ai qu’un gros billet de 500 Francs et si vous aviez l’amabilité de me faire de la monnaie en échange de ce billet, je vous en serais infiniment reconnaissant .

– Mon pauvre Monsieur je n’ai presque plus de billets et de monnaie. Nous gardons le minimum la nuit pour prévenir les attaques à main armée fréquentes en ce moment de l’année. En revanche, si vous faites vos courses dans ma boutique, je pourrais vous rendre la monnaie afin de prendre votre café.

– Ok, je n’ai besoin de rien mais c’est ce que je vais faire. Vous vendez des cigarettes ?

– Non, je n’en ai plus, mais j’ai de l’alcool si vous voulez.

– super bonne idée, je vais m’acheter une bouteille de Jack Daniels pour me tenir compagnie sur la route et ça va être parfait pour me tenir éveillé. Non j’aime pas l’alcool. En revanche, je vais prendre une bouteille d’Evian.

– Non Monsieur, je pourrais vous vendre une bouteille d’Evian, mais je ne pourrais pas vous rendre la monnaie car je n’en ai pas assez pour cela. Vous devez donc me prendre de la marchandise pour un montant suffisamment conséquent pour arriver à vous rendre la monnaie.

– Attendez, vous êtes en train de me dire que je dois faire le plein de courses pour avoir de la monnaie ?

– Oui Monsieur, je suis désolé, mais nous gardons très peu de monnaie à cause… »

Le coupant sèchement :

« – Ok Ok, je sais vous me l’avez déjà dit cela. J’ai une idée vous me faites une carte bleue et vous me faites l’échange avec la monnaie.

– La machine à Carte Bleue est défectueuse et nous refusons les chèques.

– mais je ne vous ai pas parlé de chèques

– oui mais j’anticipe, vous alliez m’en parler, je suis prévoyant »

Passablement énervé je finis par lâcher désespéré :

« –  Ecoutez, je ne vous demande qu’une chose alors : offrez moi un café : 2 francs 50 ce n’est rien. Vous le prenez dans votre caisse et vous le remboursez plus tard. (exalté) Tiens je dois repasser la semaine prochaine à Lyon et je vous déposerai l’argent à mon retour.

–          Impossible Monsieur, la caisse est stricte et je risquerais de perdre mon job pour un café. Vous me voyez dire à ma Femme  « -Martine, tu sais quoi je viens de me faire virer parce que j’ai donné 2 francs 50 à un inconnu pour qu’il prenne un café ».  Et puis désolé je n’ai pas 2 Francs 50 à perdre pour un type que je n’ai jamais vu et que je ne verrai sans doute jamais. Vous savez combien je gagne ?

–           Ah parce qu’elle n’est pas à vous l’Aston Martin garée devant ?

–          je vous demande pardon ?

–           Non, rien je plaisantais Monsieur. Je vous demande pardon, mais au moins votre Femme s’appelle Martine

–           Oui, plaisanterie de très mauvais goût »

–          Imaginez une seconde, que vous ne m’offriez pas le café et que malgré mes suppliques je reparte prendre le volant et que vous appreniez dans le journal qu’un type a perdu la vie au petit matin car il s’est endormi sur la route. Vous auriez ma mort sur votre conscience et là je n’aimerais pas être à votre place… »

C’est alors qu’une voix venant de nulle part se mit parler en balançant un billet de 10 Francs :

« – Elle est à moi l’Aston Martin. Vous pouvez lui  faire de la monnaie sur 10 Francs pour que Monsieur puisse se payer un café ?

–           Bien sûr Monsieur »

Le mort vivant s’exécuta et me donna deux pièces de 5 Francs.

Je me sentais dans la peau de Trézeguet lors du but en Or en finale du championnat d’Europe contre l’Italie en 2002. Je fis un « Yesss !!! » rageur. (oui je sais on est en 98, mais j’anticipe un peu et je vous emmerde, je fais ce que je veux).

Je n’avais pas fait attention au physique du type à la Aston Martin. C’était un Monsieur bien habillé en jean blazer Ascot parfaitement en adéquation avec un propriétaire d’Aston Martin.

Néanmoins, malgré son sourire forcé, je remarquai une certaine rudesse voire tristesse dans le regard. Son visage était dur et marqué. Les néons accentuaient cet effet inesthétique.

Mais c’était un bel homme. Un type qui n’a pas dû avoir besoin de recourir à Meetic pour trouver des gonzesses.  Surtout avec une Aston Martin. Et surtout en 1998.

M’approchant vers lui je lui serrai la main en me présentant. Puis il me dit :

« – Je m’appelle Marc et ça fait un moment que je vous écoute caché derrière les machines à café. Vous m’avez fait rire et c’était pas gagné

–           Ecoutez, ma situation était vraiment dramatique car j’avais besoin de ce café pour tenir le reste de la route à accomplir pour rejoindre Paris. Sans vous, je ne suis pas sûr de pouvoir repartir et d’arriver avant 8 heures du matin Gare de Lyon. Pour vous remercier, je peux vous payer un café ? »

KRKRKRKRKRKR

Nous éclatâmes de rire.

« -Avec plaisir, à une condition.

–           laquelle ?

–           Que vous acceptiez un de mes cigares pour accompagner le café. »

Devant mon approbation, il alla chercher une boîte à cigare, des « Cohiba » Cubains gros comme des barreaux de chaises.

Il m’en offrit un et m’expliqua comment le couper puis l’allumer en le chauffant délicatement avant de tirer une première bouffée.

J’essayai de l’imiter maladroitement et je tirais une première bouffée qui me fit tousser violemment. Un fumeur de cigarettes a l’habitude d’avaler la fumée. Pas un fumeur de cigares. Le goût est quand même très fort et nécessite clairement un temps d’adaptation. Alors que je commençai à maîtriser l’objet fumant, Marc me demanda pourquoi je faisais la route ?

« – Je travaille pour la WDR chaîne Allemande dont je m’occupe de la production exécutive durant la coupe du Monde. Je remonte à Paris pour préparer les demies finales.  Et vous ?

–           Aucune importance » me dit-il sèchement « – parlons plutôt de vous, je vous ai écouté toute à l’heure avec le pompiste, j’avais l’impression que vous jouiez un sketch tellement vous étiez théâtral dans votre façon de parler. C’était très amusant en tout cas, merci. »

Tandis qu’au loin deux gros semi-remorques venaient de s’arrêter d’où descendirent deux hommes parlant une langue inconnue mais très vivante, les premiers effets du cigare se faisaient sentir et je sentais ma tête légèrement tourner.

«  –  je ne jouais pas vraiment en fait. J’avais vraiment besoin de ce café car je ne tenais pas éveillé malgré tout le trajet restant à faire. Mais j’ai une façon très ironique de fonctionner qui peut être mal perçu par certaines personnes. J’ai un fond humoristique teinté de sarcasme et même un certain désespoir. »

–           Désespoir ? et vous êtes désespéré ?

–           non pas vraiment. C’est plus une posture qu’un réel sentiment de désespoir, même si je ne me fais pas d’illusion… »

A ce moment-là, une petite brise caressa nos silhouettes permettant d’assécher l’humidité de nos peaux. Puis le vent se mit à tourner et à se renforcer. Des éclairs silencieux venaient illuminer les détails de nos visages. Je me rappelais alors les sorties en boîtes de nuit où l’on observe les fêtards danser sur la piste éclairée par les boules à facettes accentuant le côté clip ridicule façon scopitone des années 70.  Cela me permettait de constater que son visage s’était assombri et je n’arrivais pas à déterminer si la perle qui coulait le long de son visage venait de ses yeux ou de son front. Il me sembla que c’étaient ses yeux qui avaient chauds, et non son front qui pleurait.  C’est donc que son âme transpirait elle aussi et que la chaleur n’était pas qu’extérieure. Un malaise se créa. Je ne me sentais pas bien et j’étais sûr que ce n’était pas dû qu’au cigare.  Je me lançai pour désamorcer la situation.

« – Quelque chose ne va pas ? »

Son visage s’était durci un peu plus et il avait vraiment très chaud des yeux qu’il essuya maladroitement avec son Ascot qu’il avait enlevé afin d’essayer d’atténuer le malaise.

Après une hésitation, il bafouilla :

«  – Vous savez pourquoi je suis ici avec vous ? »

Après un silence interminable, il reprit :

« – Je dois me rendre à Paris à la morgue pour reconnaître le corps de ma fille unique qui s’est tuée dans un accident de voiture sur L’A13 en revenant de chez sa mère à Deauville.  Son accident a eu lieu juste avant l’entrée du tunnel de Saint Cloud à quelques KM de chez elle. Elle était presque arrivée. Voilà… Ma vie a volé en éclats depuis hier et je me sens comme un mort vivant effectivement. Je me demande si j’aurais le courage d’affronter son cadavre. Et là, tel que vous me voyez, cela fait plus d’une heure que j’erre dans cette boutique prenant n’importe quel prétexte pour retarder le moment où je devrais repartir. Je cherche du courage. Voilà aussi pourquoi cela me faisait sourire quand vous parliez de désespoir. Parce qu’avant-hier je ne savais pas vraiment ce que c’était. Et je ne vous souhaite pas de le côtoyer un jour comme moi en ce moment. »

Voilà, le mec a quand même bien plombé l’ambiance là d’un coup. Déjà qu’elle n’était pas propice à chanter « A la queue leu leu », mais on est au cœur de la tempête.

Essayer de trouver les mots pour réconforter quelqu’un dans un tel état de détresse est au moins aussi difficile que de faire rire une salle entière en jouant des sketchs. Par définition on ne peut pas savoir ce que ressent vraiment la personne. Il y a deux solutions : la première qui consiste d’avoir le talent de trouver les mots justes et la deuxième qui consiste à prendre un air très gêné en regardant ses chaussures tout en cherchant un prétexte de prendre congé maladroitement en souhaitant bon courage. Je choisis lâchement la deuxième solution. De plus, le cigare commençait à me donner la nausée et un mal de crâne conséquent. Mon malaise était perceptible par les perles de sueur glissant le long de mon visage et humidifiant ma chemise blanche.

«  – Je ne sais pas quoi vous dire sinon bon courage et j’ai quand même été ravi d’avoir réussi à vous divertir malgré les circonstances dramatiques qui vous touchent. Je ne me sens pas très bien moi-même. Je n’ai pas l’habitude du cigare et j’aimerais me reposer une demi-heure dans ma voiture avant de repartir. »

Ma réponse eut l’air de le décevoir. Normal.

«  – Vous partez déjà ? »

–           oui il faut vraiment que j’y aille. Je ne voudrais pas avoir un acci…dent »

Je me rendis compte de la maladresse de mon propos au moment même où je la prononçais.

«  – vous voyez il faut vraiment que je me repose » dis-je en essayant un sourire IKEA.

«  – Je vous souhaite bonne chance dans votre vie. Tenez, je vous donne ma boîte à cigares en souvenir de notre rencontre.

–           Merci, c’est très gentil, mais ils seront plus utiles avec vous car je ne suis pas vraiment fumeur de Havane vous savez… »

Après un bref instant d’hésitations, il me dit du bout des lèvres, la voix cassée par l’émotion :

–           Je n’en aurais pas besoin là où je vais… »

Je lui tendis ma main moite. Sa main était sèche et Franc-Maçonnique. Un dernier regard et je m’empressai de rejoindre mon véhicule afin de m’éloigner de l’atmosphère délétère…

Allongé, mes yeux se fermèrent pour faire oublier la violence du néon au-dessus de ma voiture. Ma tête tournait à un point tel que je soupçonnais les cigares de contenir autre chose que du tabac. Une envie de nausée me surprit et je dû sortir in extremis afin de rendre le peu de nourriture ingurgité dans la soirée.  Je me rallongeai et tombai très vite dans un sommeil profond dans lequel je voyais encore cette lumière douce et contemplative qui m’invitait à lâcher prise. Puis je vis des images sans cohérences mélange de souvenirs personnels et de la rencontre avec Marc l’homme à la Aston. Je m’imaginais être avec sa fille lui faisant un cunnilingus sous les yeux réprobateur de son père niché dans un coin d’une chambre. Je levai la tête et je l’entendais me crier dessus :

« – Tu n’as pas honte de faire cela à une morte ? »

Et alors que je m’apprêtais à lui répondre que non elle n’était pas morte, je vis le corps sans vie de sa fille avec les jambes écartées. Des centaines d’asticots enveloppaient sa chatte.

Cette fois je me réveillais pour de bon avec un bon coup de chaud et à la recherche d’une respiration plus saine et moins rythmée. Mon vomi était bilieux…

Je regardai l’heure et cela faisait une demi-heure que je m’étais assoupi. Il fallait vraiment que j’y aille maintenant. Ma migraine avait disparu mais j’avais toujours aussi chaud. Le fait de rouler la vitre ouverte allait permettre de restituer les idées en place.

Effectivement, je me sentais de mieux en mieux revigoré par le fort courant d’air dont le sifflement ahurissant m’empêchait d’entendre les conneries de la radio. Je roulais plus vite maintenant. A cette heure-ci les flics ne font qu’installer des radars dans leurs rêves.

140…150…160 mon compteur ne connaissait pas la crise et à l’époque l’essence était moins chère que l’eau. De même qu’un paquet de cigarettes coûtaient moins chers qu’un melon vendu au bord d’une route départementale en direction de Cavaillon.

C’est alors qu’à l’horizon je vis un halo de lumière clignotante qui se rapprochait très rapidement de mon véhicule. En fait, c’est mon véhicule qui s’en approchait plutôt. Instinctivement, le frein moteur  me faisait ralentir en même temps que je remontai la vitre de ma voiture et baissait le son de ma radio. On fait tous cela quand l’on sent un danger imminent afin d’avoir pleine conscience des événements qui se préparent. Un Flic me fit signe de ralentir et de passer sur la voie de gauche. Je regardai lentement à la recherche du moindre indice dramatique sangsuel (oui je sais ça n’existe pas, je viens d’inventer ce mot). Mon cœur faisait une séance de cardio intensive lorsque je reconnus l’Aston Martin crashée contre le pylône d’un pont d’autoroute où le devant de la voiture n’existait plus. Ne subsistait que l’arrière du véhicule. Ecoutant mon instinct je m’arrêtai sur la bande d’urgence et descendit. Alors que je me dirigeai vers le lieu de l’accident, un flic m’ordonna brutalement de ne pas rester là.

«  – Je connais le Monsieur, il s’appelle Marc

–           vous êtes de la famille ? »

–           non, mais c’est un ami très proche. Je venais de la quitter il y a ¾ d’heure d’une aire d’autoroute.

–           Vous aviez bu ? Il était soûl ?

–           Non je ne crois pas, que c’est- il passé ?

–           il a dû s’endormir au volant et il a pris le pylône de plein fouet à très haute vitesse. Il est mort sur le coup. On est en train de le dégager »

Effectivement, les pompiers le mirent sur un brancard en recouvrant le corps d’un drap blanc.

« – Je peux le voir ?

–           oui si vous voulez »

Mes mains tremblaient car je me souvenais que j’avais toujours eu peur de voir un mort de près. J’avais perdu mes deux grands-pères et je n’avais jamais osé assister la levée des corps. Et encore moins à la veillée. Par superstition mais aussi par manque de courage. Comment peut-on accepter qu’un être cher que l’on a tant aimé de son vivant soit immobile dans une espèce d’enveloppe charnelle transitoire alors même que les asticots rongeaient de l’intérieur ce corps et que la pourriture faisait son œuvre ? Mais avec Marc, c’était différent. Au fond, je le connaissais à peine. Je pouvais donc pour la première fois de ma vie me confronter à la mort de manière directe, comme un flic faisant son enquête sur les lieux d’un crime. Je me rendais compte du côté voyeur et malsain de la situation. Je décidai de passer outre. Peut-être serais-je  la seule personne à lui rendre hommage, après tout ?

Je regardai le corps enveloppé de ce drap blanc qui ressemble à celui que j’utilise pour dormir. Je crois que je vais éviter de dormir dans des draps blancs. Je remarquai par ci par là quelques taches de sang apparaître sur ce drap devenu zébré blanc et rouge.

Je le soulevai afin d’observer son visage. A ma grande surprise, il n’était pas marqué. Cela me faisait penser que les plus grandes blessures ne sont pas forcément les plus apparentes. Finalement, ce qui l’a tué devait le bouffer de l’intérieur depuis l’annonce de la mort de sa fille. Ou peut- être même avant. Même vivante, il ne la voyait éventuellement presque plus. Et cela faisait des années qu’il en souffrait.

Son visage paraissait paisible et reposé. Il semblait presque heureux. Les yeux étaient fermés et je me demandais s’il voyait encore la belle lumière douce et accueillante au bout du tunnel ?

Je touchais sa peau. Elle était tendue, comme absorbée par des crèmes anti rides. Je me rapprochai de lui pour sentir son visage et poser mes lèvres délicatement sur sa joue. Il sentait encore son eau de toilette « Habit Rouge ».

Le pompier me fit signe qu’il devait l’amener et remit le drap en place.

Je regardai encore un moment le corps s’éloigner puis jetai un coup d’œil dans l’habitacle ravagé et compressé à un point tel que je me demandais où il restait  de la place pour le corps ?

Puis un détail attira mon regard. Entre le siège et la portière j’aperçus une photo froissé que j’essayai de remettre en forme. Une belle petite fille souriante qui devait avoir 7/8 ans tenant un dessin avec un cœur entourant le mot « Papa ». Je la mettais discrètement dans ma poche. Puis un des flics vint me voir en débitant des conneries banales du style :

«  – c’est bien malheureux tout cela. On ne répètera jamais assez l’importance du manque de sommeil sur l’autoroute. Ça ne pardonne pas. »

Je marmonnai entre mes dents :

«  – Ce n’est pas un accident et il ne s’est pas endormi

–           Je vous demande pardon ? Qu’est- ce que vous dites ? Si vous avez des éléments à nous communiquer pour l’enquête c’est le moment.

–           non rien, je n’ai rien dit. Je suis aussi fatigué que lui.  Et quand nous avons discuté tous les deux toute à l’heure nous étions exténués. Il était pressé de rejoindre sa fille chérie pour les vacances et il a négligé son sommeil. Il s’est endormi effectivement. Ce qui me fait froid dans le dos, c’est que ça aurait pu être moi contre ce pilier.

–           en tout cas, moi si j’avais une voiture comme cela, je ferais doublement attention, quel gâchis. Allez ne restez pas là Monsieur, il commence à y avoir de la circulation et c’est dangereux sur la bande d’arrêt d’urgence. Laissez- moi votre N° au cas où et faites attention à vous. »

Je repris ma route perdu dans mes pensées et me remémorant dans le moindre détail les événements de la nuit. Le jour commençait à poindre dans l’horizon et je roulais sans encombre pendant deux heures encore lorsque je décidai de m’arrêter prendre un café sur l’aire des Marnières, la dernière avant le péage de Saint Arnoult.

Il me restait encore 5 Francs que j’utilisai pour boire coup sur coup deux cafés en souriant. Je m’allumais une cigarette et le soleil commençait à montrer sa gueule rougeâtre à l’horizon. Ses premiers reflets perçaient.

Je m’arrêtai devant un miroir et découvrit que rien ne valait la lumière du soleil pour vous redonner une bonne petite gueule. Même l’employé de la boutique semblait bien vivant.

J’ai toujours gardé la boîte de cigare dans laquelle j’ai glissé la photo de la fille de Marc. De temps en temps, je la regarde et je l’ouvre. Je n’ai jamais pris un seul cigare. Elle est toujours intacte. Je la considère comme un mausolée afin de rendre hommage à un inconnu qui paraissait être un type bien. Je n’ai jamais cherché à me renseigner sur lui, ni à joindre une partie de sa famille. Je considère cet épisode comme une parenthèse entre quelqu’un qui aurait pu perdre la vie et celui qui voulait la perdre. Je me dis souvent que celui qui a perdu la vie est en fait celui qui avait le plus envie de la perdre. Je n’étais pas prêt. Ou bien je n’étais pas assez désespéré…

Arrivé au péage de Saint Arnoult, le type me demande de payer 70 Frs. Je lui tends le billet de 500 Francs. Le caissier éructe :

«  – Quoi ? mais que voulez- vous je fasse d’un si gros billet, où voulez-vous que je le mette ? »

N’écoutant que ma conscience je me mis à penser tellement fort qu’il a sûrement entendu :

«  – Dans Ton Cul »

FIN